Données de projections climatiques selon la trajectoire de rechauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC)

Qu’est-ce qu’une modélisation climatique ?

Des modèles climatiques numériques sont utilisés pour projeter l'évolution future possible du système climatique ainsi que pour comprendre le système climatique lui-même. Ils sont construits sur des descriptions mathématiques des processus physiques gouvernants du système climatique (par exemple, la quantité de mouvement, la masse et la conservation de l'énergie, etc.).

Les modèles de circulation générale (GCM) sont des modèles climatiques numériques mondiaux qui sont utilisés pour étudier le changement climatique sur l’ensemble de la planète. Ils décrivent divers composants du système terrestre et les interactions et rétroactions non linéaires entre eux. Afin de simuler le climat passé, les valeurs mesurées de composition atmosphérique (gaz à effet de serre, polluants, aérosols anthropiques) et d’occupation des sols sont utilisées comme données de forçage, tandis que pour les projections futures, les valeurs de scénarios socio-économiques particuliers sont utilisées.

En raison du grand nombre de points de données et de la grande complexité des GCM, leur intégration nécessite une grande quantité de ressources de calcul. La résolution de leur maillage horizontal varie actuellement de 50 à 150 km et ils fournissent une sortie avec une fréquence temporelle de 6 heures.

Avec ce type de projections GCM, il est difficile de prendre en compte les phénomènes météorologiques locaux, comme ceux qui se produisent en montagne ou sur une île dont la taille est inférieure à celle de la maille. Le relief des terres émergées n’est pas très détaillé́ : les Pyrénées ne dépassent pas 1000 m ; le Massif central et les Alpes ne forment par exemple qu’un seul bloc, ce qui masque le sillon rhodanien et les phénomènes météorologiques qui s’y produisent, comme le mistral (voir figure ci-dessous). Or, des diagnostics fins sur l’évolution future de ce type de phénomènes sont indispensables aux acteurs socio-économiques pour mener des études d’impact du changement climatique, dans des domaines comme l’hydrologie ou la production agricole. Le dernier inconvénient des modelés globaux est leur faible capacité à simuler les évènements extrêmes (vents violents, précipitations intenses) qui sont souvent liés à des phénomènes de petite échelle.

Pour affiner le diagnostic issu des modèles globaux, les climatologues produisent des simulations régionalisées, à l’aide de modèles de climat régionaux (RCM pour Regional Climate Models). Ces derniers ne couvrent qu’une partie du globe, l’Europe par exemple, et sont forcés aux bords par les modèles globaux. Ils offrent une haute résolution spatiale (de 10 à 20 km) qui permet une meilleure représentation du climat local (reliefs, contrastes terre-mer, traits de côte complexes) (voir figure ci-dessous : relief et trait de côte).

Cartes de modélisations

Illustration de la différence de résolution entre la modélisation climatique globale (150 km de résolution) et la modélisation climatique régionale (12 km) sur le relief et le trait de côte de la France (C. Cassou, Cerfacs). L’échelle de couleur représente l’altitude des mailles des modèles (en mètres).

Approche par niveau de réchauffement

Le dernier rapport du GIEC (AR6; IPCC 2021) a mis en avant une approche visant à documenter le climat de la planète pour différents niveaux de réchauffement. L’objectif est de décrire le climat dans un monde à un niveau de réchauffement donné, plutôt qu’à une échéance et pour un scénario d’émissions donnés. On parlera donc par exemple du climat pour un niveau de réchauffement planétaire de +2°C par rapport à la période pré-industrielle (Figure 1).

Cartes du changement de température moyenne annuelle

Changement de température moyenne annuelle (°C) par rapport à 1850-1900 pour les niveaux de réchauffement planétaires +1.5°C (à gauche), +2°C (au centre) et +4°C (à droite). Source : AR6, Figure SPM5(b).

Cette approche repose sur l’hypothèse selon laquelle, à un niveau de réchauffement planétaire donné, les changements climatiques, leurs impacts et les risques qui y sont liés sont les mêmes pour tous les scénarios d’émissions envisagés et indépendants du moment où ce niveau est atteint. De nombreuses études ont montré que, pour la plupart des variables climatiques, la réponse régionale à un niveau de réchauffement donné est cohérente entre les différents scénarios d’émissions.

L’intérêt de l’approche par niveau de réchauffement planétaire est aussi d’établir un lien direct entre les objectifs des négociations internationales (e.g., accord de Paris visant à limiter le réchauffement sous la barre des +2°C) et les impacts locaux en facilitant la comparaison des changements attendus par pays, par exemple au niveau européen. Elle permet aussi de restaurer une certaine cohérence entre les résultats des modèles individuels malgré des rythmes de réchauffement différents (e.g., un modèle CMIP6 est déjà à +2°C de réchauffement en 2022 alors qu’un autre n’atteint +2°C qu’en 2069). En raisonnant à +2°C de réchauffement planétaire, tous les modèles redeviennent pertinents pour décrire les changements climatiques correspondant à un tel réchauffement.

La trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique ( TRACC ) dont la France s’est dotée au printemps 2023 en préparation du 3e Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC-3) repose sur une approche par niveau de réchauffement planétaire. L’objectif est de fixer un référentiel pour les actions d’adaptation au réchauffement climatique, commun à tous les secteurs et territoires. Au vu des politiques climatiques mises en place et des engagements actuels des États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre dont les impacts ont été évalués par le GIEC, trois niveaux de réchauffement planétaire ont été retenus. Ils ont été déclinés sur la France métropolitaine à partir de correspondances entre réchauffement global et réchauffement national , basées sur les données des projections climatiques globales préparées pour le 6e rapport du GIEC et d’une méthode statistique sur les contraintes observationnelles (Ribes et al, 2022).

La TRACC définit ainsi :

  • Un niveau de réchauffement planétaire de +1.5°C en 2030 correspondant à un niveau de réchauffement France métropolitaine de +2°C (référence pré-industrielle).
  • Un niveau de réchauffement planétaire de +2°C en 2050 correspondant à un niveau de réchauffement France métropolitaine de +2,7°C (référence pré-industrielle).
  • Un niveau de réchauffement planétaire atteignant +3°C en 2100 correspondant à un niveau de réchauffement France métropolitaine de +4°C (référence pré-industrielle).

Simulations climatiques disponibles dans Climadiag Agriculture

Crée en 2009, le programme EURO-CORDEX est la branche européenne du projet international CORDEX (Coordinated Regional Downscaling Experiment), un programme soutenu par le Programme Mondial de Recherche sur le Climat (WCRP) qui vise à organiser et coordonner un cadre international de production de projections climatiques régionales pour toutes les régions continentales du globe. EURO-CORDEX met à disposition des simulations climatiques basées à la fois sur des modèles utilisant des descentes d'échelle statistiques et dynamiques, forcés par les modèles globaux utilisés dans le 5e rapport du GIEC (CMIP5).

Représentation des données CORDEX sur un globe

Publié à l’automne 2023 sur le portail DRIAS, les futurs du climat , l’ensemble de projections climatiques régionales Explore 2 (mise à jour du précédent ensemble DRIAS-2020) propose une sélection de 17 simulations de l’ensemble européen EURO-CORDEX identifiées comme les plus pertinentes sur le territoire français.

Ces projections bénéficient en outre d’un ajustement statistique à partir des données observées du réseau de Météo-France sur plusieurs décennies. Cet ajustement permet de corriger les biais présents dans tout modèle climatique, ce qui est indispensable pour pouvoir calculer un grand nombre d’indicateurs climatiques basés notamment sur des seuils absolus. Cette étape d’ajustement statistique permet également de proposer une résolution améliorée de 8 km.

Les données utilisées dans l’application Climadiag Agriculture correspondent aux 17 projections du jeu TRACC-2023 distribuées sur le portail DRIAS – les futurs du climat et issues du projet national Explore 2. Elles ont été choisies pour répondre aux trois objectifs suivants :

Pour assurer que l’ensemble soit constitué des mêmes simulations quel que soit le niveau de réchauffement ciblé, seules les projections pour le scénario de fortes émissions (RCP 8.5) sont utilisées dans le cadre de la TRACC. Ce scénario a été choisi car c’est celui pour lequel le plus grand nombre de simulations sont disponibles (17 couples GCM/RCM), et le seul qui permet de traiter des niveaux de réchauffement planétaire élevés (+3°C notamment). Rappelons que l’approche par niveau de réchauffement repose sur l’hypothèse selon laquelle le scénario d’émissions influe peu sur les changements climatiques associés à un niveau de réchauffement donné.

Une description détaillée de l’ensemble TRACC 2023 est disponible ici.

GCM/RCM ALADIN 63 V2 HadGEM3-GA7-05 RACMO22E RCA4 HadGEM2-ES HIRHAM5 CCLM4-8-17 RegCM4-6 REMO
CNRM-CM5
EC-EARTH
IPSL-CM5A-MR
HadGEM2-ES
MPI-ESM-LR
NorESM1-M

Liste des couples GCM/RCM sous scénario RCP8.5 utilisés pour le jeu de données TRACC

Caractéristiques des simulations Climadiag Agriculture